Les archives des polices

L’histoire de la police s’écrit évidemment à partir des archives des institutions policières, mais pas seulement. Les liens que la police entretient avec tous les aspects de la vie en société imposent de compléter l’étude par d’autres archives qui peuvent évoquer indirectement la police. Lorsque la police n’existe pas encore comme une institution autonome, ce qui est le cas dans de nombreux pays jusqu’aux 19e et même 20e siècles, il faut « créer » l’archive policière à partir des séries voisines des institutions proches : séries des archives communales, des archives judiciaires, etc. Inversement, les archives de police sont un formidable réservoir d’informations pour une multitude de sujets historiques non policiers et ont souvent été utilisées à cette fin Dans un cas comme dans l’autre, l’historien doit être extrêmement prudent, car l’archive de police est souvent faussement évidente. Elle donne l’illusion de la capture d’un réel qui n’est en fait que sa version tronquée, reconstituée, mise en mots par l’institution policière dans un but bien précis.  

Les archives de police présentent aussi la caractéristique de n’être pas systématiquement conservées. Des pans entiers des écritures policières ont été détruits, soit parce que leur contenu était sensible, soit plus souvent, parce que personne n’imaginait l’intérêt de conserver des papiers de la pratique ordinaire, souvent jugés insignifiants. De ce fait, l’archive policière se réduit souvent à des documents isolés, des dossiers aux trois-quarts vides, des épaves de séries disparues. Il faut donc avant tout bien connaître le contexte institutionnel de leur création, peser attentivement la représentativité de ces pièces et interroger les raisons de leur conservation, leur perte et leur dispersionPar sa nature, l’archive policière peut aussi mettre en cause des individus ou des familles en dévoilant leur intimité ou leurs agissements, la communication peut donc en être difficile et leur usage réclame quelques précautions. Le détour par d’autres archives se révèle ainsi souvent nécessaire et le croisement des sources indispensable 

La diversité des archives de police est considérable et s’étend des textes aux images en passant par les archives orales et les chiffres. Certaines archives sont plus spécifiques au travail policier : procès-verbaux, rapports, fiches et fichiers, mains-courantes, dossiers, registres, tableaux, « mémoires » et autres outils disponibles à l’utilisateur. L’histoire de ces documents informe beaucoup sur l’évolution du travail policier et constitue un préalable indispensable à l’étude de leur contenu. Au-delà des anecdotes, tranches de vie ou événements rapportés par ces archives, ce sont les choix d’attention policière qui se révèlent, ainsi que l’élaboration des outils policiers qui apparaît, ainsi que leur évolution. L’archive policière ne dit jamais tout le réel, pas même ce qui devrait être consigné d’après les directives reçues. Elle ne dit que ce que la police choisit de dire, à sa manière, souvent stéréotypée et empreinte d’usages langagiers spécifiques. Les chiffres de la délinquance et de la criminalité produits par la police, en particulier, sont plus révélateurs des choix d’activité de la police que de la réalité des activités délictueuses. Au sein même de l’activité policière, les archives ne conservent que ce que les individus et l’institution décident d’y transcrire. L’archive policière ne dit que ce que la police veut qu’elle dise, elle ne dit rien de ce que ne fait pas la police ni de ce qu’elle fait mais choisit de ne pas transcrire, dans une profession caractérisée par un pouvoir discrétionnaire fort.

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Notices générales

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