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Archives – notice générale

Les archives des polices : une typologie plurielle issue de fonctions diverses

gd, bde, Dixmuide 1914-18 (Debacker)
Comme la consultation des inventaires existants le démontre, il existe en réalité une multitude de documents de nature différente que l’on regroupe habituellement sous le terme générique d’archives de la police. Ceux-ci reflètent tant les missions et fonctions exercées (police d’ordre public, police de répression du crime) que le fonctionnement administratif et institutionnel des corps. La typologie des archives sur lesquelles le chercheur peut s’appuyer pour mener à bien l’histoire de la police ou une histoire à partir de la police est donc loin d’être évidente. Elle découle d’une double réalité inhérente aux polices : d’une part, s’y développe une dynamique de gestion « interne » des corps et de leurs membres, structurée autour de logiques réglementaires et administratives, produisant des documents relatifs à l’individu et au groupe professionnel et d’autre part, la police s’organise dans une dynamique de gestion et de régulation d’une société (l’exercice de la sécurité publique), autour de la population, de territoires, de comportements à surveiller et de lois à faire appliquer. Cette notice interroge ce projet de connaissance dual au cœur des institutions de police : connaître les policiers et la société où ils évoluent, pour en présenter les grandes familles d’archives.

De la nécessité de comprendre l’objet policier pour utiliser ses archives

Le chercheur prendra évidemment une série de précautions de méthode avant d’exploiter tout document policier. Celles-ci ne correspondent souvent qu’à l’application des principes de la critique historique classique. Il faut néanmoins y rajouter les fruits d’une réflexion quant à l’objet policier et à son rôle dans les sociétés européennes. D’abord, puisque l’archive de police est plurielle – qu’y a-t-il en commun entre un registre de main courante, un dossier documentaire, un dossier de carrière ou un carnet de correspondance ?-, on se demandera quels étaient les usages des documents et la nécessité guidant leur rédaction. L’analyse reviendra évidemment sur la chronologie et l’auteur du document. Dans un cadre policier, on distinguera notamment les niveaux et temporalités de l’écriture, entre le témoignage pris sur le vif (« sur le terrain », en intervention) et sa retranscription officielle et formalisée lors du retour au bureau, on distinguera encore le rapport rédigé a posteriori sur des faits s’étant déjà déroulés de celui prévenant d’une situation hypothétique pouvant potentiellement survenir. Suivant les recommandations de Jean-Marc Berlière, il ne faut pas tomber dans une vision fantasmée face à des archives « dangereuses », « interdites » ou « explosives »les musées, la matérialité et les lieux des polices) L’ensemble de ces documents participe au double projet de connaître qui traverse les institutions policières

Gérer un corps, gérer ses membres

Les archives de la gestion institutionnelle des polices regroupent d’abord les dossiers de carrière des agents de l’ordre. Lorsqu’ils sont conservés ceux-ci sont souvent particulièrement riches. Ils éclairent évidemment une biographie particulière. On y retrouve en effet les étapes et moments de la carrière et de la vie du policier. Connaître un parcours « individuel » est une perspective de recherche fréquente, que ce soit face à de grands noms de la police ou face à des anonymes à qui on s’intéresse pour des raisons familiales ou personnelles. Ces dossiers sont également particulièrement évocateurs lorsqu’ils sont étudiés collectivement. Mis en série, ils offrent la possibilité de dresser un portrait collectif des policiers et l’évolution de leurs profils. Il s’agit d’une démarche permettant de dresser un portrait-robot (formation, parcours professionnel, situation familiale)
parfois introuvables ou non conservées par ailleurs. Le chercheur sera ici attentif à la cause de la conservation de ces documents dans des dossiers individuels. Leur présence peut être liée à un problème individuel (plaintes, problèmes disciplinaires, sanctions hiérarchiques), ayant nécessité de prouver et de témoigner du comportement ou du travail fourni ou non par l’agent concerné. D’autres documents, comme les registres des personnels, permettent de dresser une photographie d’un corps à un moment donné. S’y retrouvent en effet les effectifs en poste à un moment donné, avec seulement quelques éléments biographiques (nom, grade, affectation, âge). Bien qu’ils soient moins riches en termes de renseignements qualitatifs, disposer de plusieurs de ces registres permet de baliser l’évolution d’un corps, en termes d’effectifs, de pyramides hiérarchiques ou de fonctions exercées. La manière dont les institutions fonctionnent peut également être abordée par les séries de notes administratives ou de services. Cette correspondance montre la bureaucratie en marche, entre consignes générales, mutations, changements d’affectations, promotions ou réorganisations. La démarche nécessite méthode et critique, tant pour gérer la masse documentaire parfois conservée, les circuits de circulation de l’information au sein des corps de police, les logiques internes qui guident la prise et l’exécution des décisions

Surveiller, protéger et agir : les traces du travail policier

Le rôle des polices est d’assurer l’ordre, de garantir la tranquillité publique et le cas échéant, de réprimer le crime. Ce sont ses fonctions de police administrative ou de police judiciaire. Sous ces grands titres, la description de l’investissement policier dans la production de sécurité est donc polymorphe. Gérer des manifestations, intervenir sur des accidents, arrêter un voleur ou contrôler la mobilité de gitans, faire la police sanitaire sur un marché, patrouiller en rue à la recherche d’un comportement suspect ou anormal, intervenir face à un enfant perdu sont autant des pratiques policières possibles. En réalité, la gamme potentielle de l’action des agents est sans limite, dépendant des circonstances, des moyens de la police, de ses priorités, de la demande de l’opinion ou des consignes des autorités. L’action des policiers révèlent les groupes à protéger ceux à surveiller, les comportements suspects de ceux acceptés. Elle se comprend comme un prisme déformant sur la société, témoignant d’un processus de catégorisation, de filtre et de construction d’un ordre social légitime, au carrefour d’injonctions sociopolitiques et de l’autonomie institutionnelle des polices. L’action des policiers révèle ensuite un rapport particulier au temps. Elle oscille entre le besoin de documenter ce qui est survenu, de pouvoir agir envers ce qui est un risque présent. Elle doit encore pouvoir anticiper ce qui sera ou ce qui devrait être idéalement être un futur non-advenu grâce à leur intervention. Ce qu’on appelle les archives de la pratique témoignent de cette action articulée entre un volet répressif et un volet préventif. Sous ce vocable, on retrouve d’abord les traces du travail de renseignement des policiers. Ceux-ci récoltent, créent, agrègent en effet une masse d’information pour développer un savoir sur la société. Mieux la connaitre permet de mieux y intervenir. Cela débouche sur la constitution d’une série d’outils de gestion de l’informations, pour partie conservés et accessibles à la recherche. On y retrouve

Des archives de la police aux archives sur la police

On l’aura compris, les archives des polices recouvrent en réalité une grande variété de documents. Ceux-ci traversent les lieux et les périodes, répondant aux fonctions policières et à la nécessité d’organisation et de gestion qui les structurent. Leur bonne utilisation repose sur une appréhension de la police comme institution de régulation, comme corps bureaucratique et partie d’un système administratif, comme groupe social et professionnel enfin. Le bon usage de telles archives repose également sur la nécessité de situer les documents utilisés dans le large spectre des fonctions de police. Leur potentiel est par contre égal à l’effort fourni pour s’y immerger. Mais les archives des polices pourront être utilement complétées par d’autres ressources. La presse tant généraliste que professionnelle (qu’elle soit officielle, syndicaliste ou corporative) est une source majeure pour réaliser une histoire culturelle et intellectuelle des polices. (Auto)représentations, culture professionnelle, politiques mémorielles, expertises revendiquées y sont largement présentes. Ces sources font également largement écho à ce qu’on peut appeler les « crises » ou les «   dysfonctionnements » impliquant polices et policiers
les archives institutionnelles.

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