Comme la consultation des inventaires existants le démontre, il existe en réalité une multitude de documents de nature différente que l’on regroupe habituellement sous le terme générique d’archives de la police. Ceux-ci reflètent tant les missions et fonctions exercées (police d’ordre public, police de répression du crime) que le fonctionnement administratif et institutionnel des corps. La typologie des archives sur lesquelles le chercheur peut s’appuyer pour mener à bien l’histoire de la police ou une histoire à partir de la police est donc loin d’être évidente. Elle découle d’une double réalité inhérente aux polices : d’une part, s’y développe une dynamique de gestion « interne » des corps et de leurs membres, structurée autour de logiques réglementaires et administratives, produisant des documents relatifs à l’individu et au groupe professionnel et d’autre part, la police s’organise dans une dynamique de gestion et de régulation d’une société (l’exercice de la sécurité publique), autour de la population, de territoires, de comportements à surveiller et de lois à faire appliquer. Cette notice interroge ce projet de connaissance dual au cœur des institutions de police : connaître les policiers et la société où ils évoluent, pour en présenter les grandes familles d’archives.
De la nécessité de comprendre l’objet policier pour utiliser ses archives
Le chercheur prendra évidemment une série de précautions de méthode avant d’exploiter tout document policier. Celles-ci ne correspondent souvent qu’à l’application des principes de la critique historique classique. Il faut néanmoins y rajouter les fruits d’une réflexion quant à l’objet policier et à son rôle dans les sociétés européennes.
D’abord, puisque l’archive de police est plurielle – qu’y a-t-il en commun entre un registre de main courante, un dossier documentaire, un dossier de carrière ou un carnet de correspondance ?-, on se demandera quels étaient les usages des documents et la nécessité guidant leur rédaction. L’analyse reviendra évidemment sur la chronologie et l’auteur du document. Dans un cadre policier, on distinguera notamment les niveaux et temporalités de l’écriture, entre le témoignage pris sur le vif (« sur le terrain », en intervention) et sa retranscription officielle et formalisée lors du retour au bureau, on distinguera encore le rapport rédigé a posteriori sur des faits s’étant déjà déroulés de celui prévenant d’une situation hypothétique pouvant potentiellement survenir.
Suivant les recommandations de Jean-Marc Berlière, il ne faut pas tomber dans une vision fantasmée face à des archives « dangereuses », « interdites » ou « explosives »