Les pratiques policières

Le travail policier est fait de tâches et de demandes multiples : c’est par nature une réalité multiforme, peu prévisible. Fondamentalement, ce que fait la police, c’est de s’adapter aux circonstances dans le cadre de missions définies par la loi. En réalité, ces multiples tâches policières reflètent la complexité et le caractère historique des pratiques sociales. L’intervention policière dans sa nature et ses modalités doit maîtriser des paramètres variés: les cultures professionnelles des policiers de terrain, leurs moyens, les demandes et réactions des diverses strates de la « population », les injonctions des responsables du corps ou les politiques, sans oublier la pression médiatique. La police est contrainte par cet équilibre, parfois paradoxal, qui évolue dans le temps et dans l’espace.

L’activité policière est largement faite de tâches quotidiennes, routinières et administratives, négociées en fonction des besoins des autorités et de la population. Les interactions des policiers avec les populations déterminent dans une très large mesure le « ce que fait la police » : à savoir les missions, les fonctions policières (police d’ordre, répression du crime, police de souveraineté) et la manière de les exercer. Comme les attentes et demandes de la « population » sont nombreuses et souvent ambiguës, ces fonctions sont multiples. Les citoyens recourent à la police dans des circonstances et pour des problèmes variés (souvent des conflits), car elle incarne l’autorité, parce qu’elle peut faire usage de la force, parce qu’elle constitue une porte d’entrée vers le monde judiciaire. Mais les formes de l’action policière sont aussi déterminée par les lieux où exercent les policiers, c’est-à-dire par les structures géographiques, démographiques, socioéconomiques du territoire. Elles sont aussi dépendantes du contexte sociopolitique, tant local qu’international. Enfin, elles dépendent de ce que les policiers pensent qu’on attend d’eux – ou de comment ils considèrent leurs missions, au vu de leur identité professionnelle. Au final, c’est un portefeuille de tâches caractérisé par la sélection et la priorisation qui ressort, d’autant plus que les effectifs et le temps policiers sont par définition des ressources limitées.

Il faut avoir à l’esprit que l’action de la police est avant tout une pratique avant d’être un savoir théorisable, un modèle fixé une fois pour toute. Par conséquent, “bourrer” la tête des policiers de modèles n’est pas la meilleure stratégie pour changer l’action de la police. Utilisée seule, cette stratégie est vouée à l’échec. De même, penser l’action policière en termes uniquement d’outils ou de technologies mis à la disposition des agents est tout aussi insuffisant. C’est une stratégie qui oublie le nœud de relations et de représentations qui en réalité guident les choix policiers.

La légitimité de l’intervention policière est une notion centrale dans toute réflexion sur les missions et pratiques policières. Le rapport de confiance ou de défiance entre les forces de l’ordre et la population dépend largement d’une négociation complexe entre une pluralité d’acteurs de la régulation. L’ordre ainsi négocié est fragile et instable.

Alors que la réalité du travail policier est loin d’être limitée à la lutte contre la criminalité et l’assurance de la sécurité, les polices ont pourtant toujours eu tendance à privilégier ces tâches. C’est ce que les gens attendent d’eux et c’est par ce biais qu’ils pensent pouvoir bâtir leur légitimité.