Musées, matérialité et lieux des polices

La police s’appuie pour exercer ses missions sur un équipement spécifique. Ces nombreux objets sont à la fois usuels et symboliques de l’autorité policière. Que l’on pense à l’uniforme, à l’armement, à la matraque ou aux menottes, mais aussi aux véhicules utilisés, aux objets du quotidien, du travail administratif ou utilisés lors de cérémonies, ce sont autant de traces matérielles dont l’évolution peut être une porte d’entrée à l’histoire des institutions de police. L’histoire de ces objets multiples est primordiale. Ce sont notamment des éléments qui permettent ce que la police a les capacités de faire (moyens de communication, moyens de transports, armement…). L’équipement constitue en effet une variable de l’équation de l’action et des méthodes policières. Plus largement, ces objets révèlent beaucoup sur la place et les représentations des polices dans la société. Il faut les identifier, les dater, comprendre leur condition d’apparition. Mais il faut aussi mettre à jour les usages – ou les mésusages – qui sont faits de ces objets dans la quotidienneté policière. Enfin, leur perception, tant par les policiers que par leurs clientèles, doit être interrogée.

La thématique de la matérialité policière recouvre également d’autres domaines. Elle se rapporter notamment à la constitution par les policiers de collections d’objets, souvent rassemblées au sein de « musées du crimes », ou de « musées policier ». À nouveau, l’histoire du développement et de l’usage de ces collections est stimulante. Par qui et pourquoi sont-elles constituées ? Ces cabinets de curiosité ont un statut ambigu entre ouverture au public ou limitation de leur accès à un public de seuls initiés, devant éviter la contagion des stratégies des criminels. Cela vient notamment de leurs multiples fonctions ; ils renforcent la mémoire institutionnelle, ils participent à « former » les nouvelles recrues des polices par leur caractère exemplatif. On estime en effet que le « savoir-faire » policière est largement fondé sur l’expérience et la vision d’objets auxquels les anciens ont été confrontés (événements particuliers, faux, armes, matériels frauduleux).

Enfin, la matérialité policière est ancrée dans la géographie. Les modes de contrôle et de quadrillage du territoire s’appuient en effet sur un ensemble de lieux « occupés » par des policiers, notamment bâtis. Casernes, commissariats, écoles, guérites et autres supports de l’activité policière ont des fonctions multiples. Outre leur côté pratique, ils portent un discours symboliques destinés tant aux policiers qu’aux populations. On peut analyser la chronologie de leur développement comme autant de marqueurs de lieux à surveiller ou à protéger, mais aussi leur implantation dans la cité et bien entendu, leur architecture.