Institutions et organigrammes

Lorsqu’on parle de police, on pense d’abord et avant tout « institution », à savoir un corps organisé en unités ou services spécifiques, regroupant un certain nombres de membres. Le plus souvent, ceux-ci portent une uniforme pour qu’on puisse les identifier et leurs droits et devoirs sont régis par la loi, explicitée par un cadre réglementaire plus ou moins étoffé. Les corps exercent ainsi des fonctions déterminées sur un territoire spécifique.

L’approche institutionnelle est indispensable à l’historien des polices. C’est même un préalable à toute recherche mobilisant ou portant l’objet policier. Il faut en effet comprendre les « règles du jeu » : cela revient à connaître le visage théorique des polices à un moment donné, pour ensuite comprendre les pratiques réelles – et les inévitables adaptations qui en ressortent. Dans cette optique, les points d’attention sont nombreux : ils touchent à l’organisation, aux structures, aux effectifs et missions réglementaires des unités de police. Ils touchent également au contrôle hiérarchique de celles-ci. Enfin, l’attention se porte sur l’articulation entre les différents corps de police actifs sur un territoire, pour voir de quelle manière les compétences et les missions des uns et des autres sont complémentaires ou concurrentes. Cela revient à interroger la notion de système policier, défini comme l’assemblage des différentes polices actives à un moment donné sur un territoire. Pour finir, le chercheur s’intéressera aux causes expliquant le visage de la police à un moment donné. Celle-ci constitue un reflet de la société, et notamment de ses craintes face aux « risques » ou aux facteurs d’ « insécurité ». De cette manière, c’est une grille d’analyse issue notamment de la sociologie policière qu’il faut appliquer à la fois à chaque institution de police, mais aussi aux systèmes où celles-ci évoluent, pour les caractériser en termes d’implantation locale ou nationale ; d’identité civile ou militaire ; de missions généralises ou spécialisées.

Cette seule démarche de connaissance du « visage » et du « cadre » de la police est largement insuffisante. D’une part, le chercheur doit avoir conscience que l’approche institutionnelle n’offre qu’une vision partielle et limitée de la complexité de la chose policière. Elle ne permet pas de saisir en profondeur les réalités des pratiques policières et l’aspect humain qui les fondent. Les pratiques de la police sont certes encadrées par les structures et les règles, mais elles dépendent également d’une multitude de facteurs complémentaires, dont les demandes des populations ou les priorités/possibilités des policiers. Surtout, la seule vision institutionnelle gomme l’historicité des polices. Elle laisse notamment penser la police comme une chose n’évoluant que par les règles, alors que la réalité est bien plus nuancée. Pour diverses raisons, la règle peut ne pas être ou ne plus être appliquée. Au contraire, elle peut être le reflet de l’acceptation d’une pratique ou d’une logique d’organisation déjà à l’œuvre. Enfin, la règle peut également être détournée que ce soit par facilité, ou pour des motifs politiques (guerres, transitions politiques, crises économiques, etc.)